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INSPECTEUR DU TRAVAIL, UN MÉTIER QUI N’ATTIRE PLUS

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MARDI 21 JANVIER 2020
Inspection du travail  tiré du site CFTC

Tensions avec l’administration centrale, réorganisation, manque de moyens et d’effectifs, perte de sens… L’inspection du travail accumule les difficultés, à tel point qu’elle souffre aujourd’hui d’une crise des vocations. Témoignage d’un inspecteur du travail CFTC...

Bruno Labatut-Couairon est inspecteur du travail. Il déplore une détérioration de ses conditions d’exercice. En poste à Sète, dans l’Hérault, il est aussi président du Syndicat national CFTC Travail, qui défend les agents du ministère du Travail. Il décrit une situation, à l’inspection du travail, qui n’a cessé de se dégrader depuis 2012 : défiance du ministère, frustrations liées à la réorganisation de 2012, dégradation des moyens, réduction des effectifs, logiciel inopérant… La situation est telle que l’institution souffre aujourd’hui d’une crise des vocations, comme le souligne un rapport sénatorial de septembre 2019. Le nombre de candidats au concours externe annuel accuse une baisse continue depuis 2013 : – 56 % en six ans ! 

Les inspecteurs du Travail ne se sentent pas soutenus par leur ministère

Cette désaffection pour l’inspection du travail, Bruno Labatut-Couairon la constate quand il va présenter son métier dans les universités. “Les étudiants en droit nous disent carrément que le corps n’est pas attractif”, témoigne-t-il. Ils seraient rebutés par le salaire, plus faible qu’aux Douanes ou qu’au Trésor public par exemple. Mais aussi par le désamour bien connu entre les inspecteurs du travail et leur administration. Dernière affaire en date : le désaveu public de Muriel Pénicaud, en octobre 2019, à l’encontre de ses propres agents qui avaient mis en garde la SNCF au sujet du droit de retrait.

La raison de cette défiance ? L’indépendance de l’inspection du travail garantie par la convention 81 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). C’est ce qu’affirme Bruno Labatut-Couairon. Si bien que la relation entre agents et administration ne serait pas la même qu’ailleurs. “Dans la police, par exemple, il y a une sorte de solidarité intraministérielle qui est assez absente chez nous, estime Bruno Labatut-Couairon. Vraiment, je crois que c’est ce qui mine le corps depuis plus de 20 ans.” D’autant plus que le métier est solitaire et psychologiquement difficile, à cause des rapport conflictuels avec les entreprises.

Déclassement et frustration des agents de contrôle

En outre, la réorganisation de l’inspection du travail, à partir de 2012, a créé des frustrations. Auparavant, l’inspecteur était un fonctionnaire de catégorie A+. Avec deux contrôleurs du travail et un secrétariat sous sa responsabilité, il chapeautait une section d’inspection du travail. 

Depuis, le corps des contrôleurs a fusionné avec celui des inspecteurs. Tout le monde est devenu “agent de contrôle de l’inspection du travail”. Les inspecteurs ont été rétrogradés en catégorie A. Et l’on a placé au-dessus d’eux des “responsables d’unité de contrôle”, qui supervisent chacun une dizaine d’agents. Enfin, ils ont été rattachés aux Direccte

D’une part, “les inspecteurs ont été déclassés et se sont vus rattrapés, si l’on peut dire, par leurs subalternes, décrypte Bruno Labatut-Couairon. Cela a créé une ambiance lourde”. D’autre part, la création d’un échelon supérieur, c’est “comme si on leur disait qu’ils ne savent pas travailler”.

La CFTC réclame davantage d’agents et un outil informatique plus moderne

Autre problème : la dégradation des moyens et le manque d’effectifs. Le ministère du Travail veut faire passer le nombre de salariés par agent de contrôle de 8 000 à 10 000. “La charge de travail se répartit sur ceux qui restent, c’est assez pénible”, témoigne Bruno Labatut-Couairon. 

À cela s’ajoute l’objectif, fixé en 2007, de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux. Les secrétaires administratives disparaissant, ce sont les agents de contrôle qui doivent assurer leur travail. Par conséquent, “on a moins de temps pour aller en entreprise, alors qu’on nous demande de ramener des chiffres. Il y a là une contradiction”, dénonce Bruno Labatut-Couairon. Celui-ci revendique le recrutement d’agents de secrétariat et d’agents de contrôle.

Il réclame aussi l’amélioration du logiciel Wiki’T de compte-rendu d’activité, réputé difficile à utiliser. Il s’agit “d’une espèce de tableur Access”, dans lequel s’ouvrent une multitude de fenêtres. “On a un mal fou à rendre compte”, déplore Bruno Labatut-Couairon. 

L’inspection du travail, un corps en perte de sens

En outre, ce logiciel génère des aberrations. D’abord, comme beaucoup d’agents ne l’utilisent pas, les statistiques sont faussées. Ensuite, tous les contrôles d’entreprises sont comptabilisés de la même façon, quel que soit le nombre de salariés. Enfin, l’activité de conseil n’est pas prise en compte. Cette mission est pourtant exigée par le ministère.

Ces absurdités, qui génèrent une perte de sens du travail, ne sont pas les seules, explique Bruno Labatut-Couairon. Ainsi, les objectifs fixés par le ministère s’appliquent partout de la même manière, quelles que soient les spécificités locales. Premier d’entre eux : le faux travail détaché. Problème : comme il n’est pas encore interdit par la loi françaiseil est sanctionné par des amendes administratives. Mais celles-ci sont généralement insignifiantes.

Laurent Barberon

 

Bruno Labatut-Couairon, un inspecteur syndicaliste mais impartial

Comment conciliez-vous l’exigence d’impartialité de l’inspecteur du travail avec votre engagement syndical ?
“Je suis représentant syndical pour la défense du bien-être de mes agents. Mais quand je suis inspecteur du travail, j’applique une absolue neutralité avec les salariés et les employeurs. Et je suis convaincu que ces derniers en sont conscients puisque pour mon prochain pot de départ de Sète, j’ai invité 80 personnes dont la moitié sont des employeurs. Nous avons donc réussi à tisser des relations de confiance. En réalité, mon mandat syndical ne doit pas exister auprès des salariés. Et je le leur ferais savoir si l’un d’eux était tenté de faire valoir une obédience syndicale commune. Mais en fait, ça n’arrive jamais. Pas plus que l’union locale CFTC, par exemple, ne voudrait m’influencer sur un dossier.”


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