Une année charnière s’ouvre pour la grande distribution française
La faiblesse des émergents pénalise les groupes internationaux. En France, les ventes doivent encore être soutenues par des prix bas.
L’année qui s’ouvre sera pleine d’enjeux pour les distributeurs français. Tour d’horizon des grandes questions qui vont se poser dans le secteur pour 2016.
Les pays émergents vont-ils se redresser ?
La dégradation de la note du Brésil, début septembre, par Standard & Poor’s – au rang BB+ – a officialisé la fin, ou du moins la pause, de la croissance brésilienne. Plus grave : cette crise de croissance s’est transformée en crise politique, la présidente Dilma Rousseff se retrouvant menacée de destitution. Une situation qui freine la mise en œuvre des réformes nécessaires à la relance économique. Dès septembre, les cours de Bourse de Casino et, dans une moindre mesure, de Carrefour, respectivement numéro un et numéro deux de la distribution dans le pays, ont fléchi. Les dirigeants de Casino, qui réalise 58 % de son chiffre d’affaires à l’international, essentiellement au Brésil et en Colombie, ont aussitôt réagi. D’abord, en regroupant les activités sud-américaines dans la filiale colombienne Exito, ce qui va permettre de dégager 145 millions d’euros de synergies. Par ailleurs, Via Varejo, la branche de magasins de meubles et d’électroménager, très touchée, a entamé une restructuration drastique, même si les intérêts économiques réels de Casino dans cette filiale ne sont que de 14 %. Carrefour, moins affecté, a tout de même dû repousser l’introduction en Bourse de sa filiale brésilienne.
Le même Carrefour doit aussi enrayer la baisse de l’activité de ses magasins chinois. Depuis plusieurs trimestres, la filiale locale annonce des chiffres d’affaires en baisse à surfaces comparables.
Pour inverser la tendance et rester sur ce marché jugé stratégique par le PDG, Georges Plassat, Carrefour a entrepris de changer de modèle. Certains magasins ont été fermés. Les ouvertures sont plus sélectives. La proximité commence àêtre développée. Surtout, le groupe a choisi d’internaliser sa logistique en créant des bases régionales pour contourner les grossistes locaux. Et pour contrer la montée en flèche de la vente de produits de grande consommation sur Internet, notamment par le groupe Alibaba, Carrefour a créé une activité e-commerce.
L’activité en Chine est aussi cruciale pour Auchan, dont la filiale cotée à Hong Kong, Sun Art, génère l’essentiel de ses bénéfices. Auchan, qui est aussi très présent en Russie, pays qui va subir pleinement en 2016 l’impact de la baisse du prix du pétrole et de l’embargo décrété par les Européens…
la consommation tiendra-t-elle en France et la guerre des prix va-t-elle continuer ?
La panéliste IRI a noté que, en novembre, les ventes de produits de grande consommation stagnaient en volume dans l’Hexagone et ne progressaient que très légèrement en valeur (+ 0,2 %). Nielsen indiquait, de son côté, une évolution du marché en valeur en cumul depuis le début de l’année de 1,1 %, portée par une légère inflation et l’attrait des consommateurs pour des produits de meilleure qualité. Le marché tient, donc, mais le bilan des ventes de fin d’année sera instructif sur la tenue de la consommation. Et le redressement général des enseignes du groupe Casino (Géant, Leader Price, Franprix, Monoprix) montre que la concurrence sur les prix demeure cruciale. La baisse du prix du pétrole et des matières premières laisse également à penser que la pression sur les tarifs va se poursuivre. D’autant que des regroupements à l’achat ont été effectués en France, comme à l’international (Auchan avec Metro, Casino avec Dia, etc.). La concurrence va rester d’autant plus effrénée que Leclerc continue sa marche en avant. Selon Kantar Worldpanel, Leclerc a encore « bousculé la concurrence » et gagné 0,6 point de part de marché en novembre, portant son total à 20,5 % et talonnant Carrefour. Casino et Lidl ont aussi progressé. Les autres ont souffert…
La vague de concentrationS se poursuivra-telle ?
Après s’être rapprochés à l’achat, Auchan et Système U doivent maintenant s’allier sur le front commercial, Système U prenant en charge les supermarchés de l’ensemble et Auchan les hypers.
Mais le dossier, qui devait être initialement tranché avant la fin 2015 n’a toujours pas été notifié formellement devant l’Autorité de la concurrence et Auchan a entre-temps revu sa gouvernance. L’échec du rachat de Mr. Bricolage par Kingfisher, la maison mère de Castorama, prouve que les alliances entre groupes intégrés et réseaux indépendants sont parfois délicates à mener à bien… Dans le non-alimentaire, la Fnac a convaincu le conseil de Darty d’accepter une fusion. Reste à en caler les modalités et à la faire approuver par les actionnaires. Une chose est sûre, cependant : la faible croissance économique française et l’absence de relais à l’international poussent à la concentration dans le commerce.