Le nouveau patron d'Auchan Holding juge « préoccupante » la situation de sa branche distribution, Auchan Retail. Il annonce une réduction drastique de ses investissements, et ouvre grand la porte à des « partenariats d'offre » dans les secteurs non-alimentaires de ses hypermarchés.

Il y avait du Alexandre Bompard chez Edgard Bonte, le charisme en moins, pour la première sortie publique devant la presse du nouveau patron d'Auchan Holding, à l'occasion de la présentation, ce vendredi à Paris, des mauvais résultats du groupe en 2018. A l'instar de son homologue de Carrefour  lors de la présentation de son plan , cet autre quadra, membre de la famille Mulliez et qui se présente lui-même comme « entrepreneur et redresseur d'entreprises »(avec à son actif une remarquable réussite chez Kiabi), n'a pas hésitéà charger la barque de ses prédécesseurs en qualificatifs peu amènes, évoquant une « situation très préoccupante », jugeant leur plan à trois ans« trop complexe », ou encore estimant les efforts d'investissement « trop dispersés. »

« Arbitrages lourds »

Comme le patron de Carrefour, son principal concurrent en France dans la catégorie en souffrance des grands hypermarchés, Edgard Bonte a annoncé, dans le cadre de « la démarche Renaissance », une réduction drastique des investissements d'Auchan Retail, la branche distribution du groupe - par ailleurs propriétaire de la foncière Ceetrus (ex-Immochan) et de la banque Oney -, pour les ramener de 1,2 milliard en 2018 à« de l'ordre de moitié moins »en 2019. Comme lui encore, il a lancé un important programme de réduction de coûts, de « plusieurs centaines de millions d'euros », qui supposera, a-t-il reconnu, « des arbitrages lourds et des renoncements. »

Mais contrairement à Alexandre Bompard (46 ans) qui a taillé dans les effectifs, Edgard Bonte (45 ans), fidèle à la tradition chrétienne sociale des Mulliez, a affirmé qu'il n'y aurait pas d'autres suppressions d'emplois en France en 2019, après le modeste PSE de l'an dernier concernant 52 personnes. Pas plus qu'il n'y aura de fermetures de magasins dans l'Hexagone, où Auchan compte 123 hypermarchés. Une trentaine de fermetures sont en revanche prévues cette année en Russie, où le français reste confrontéà la concurrence des chaînes de magasin de proximité locales, et trois en Chine où, s'il a nommé  un Chinois à la tête de Sun Art , sa filiale commune avec Alibaba, Edgard Bonte entend bel et bien garder le cap.

Partenariats d'offre et de services

Dans l'Hexagone, où Auchan Retail réalise 35 % de son chiffre d'affaires total (50,3 milliards d'euros en 2018, en baisse de 3,3 %), son président exécutif n'exclut pas, en revanche, des réductions de surface de ses grands hypermarchés ou des réaffectations de leurs surfaces non-alimentaires, dans les secteurs qui souffrent le plus. Et, comme pour souligner en creux une autre différence avec le plan d'Alexandre Bompard, là où Carrefour traite, pour l'heure, des seuls rayons électroménagers, Auchan ouvre grand la porte à des « partenariats d'offre » avec des spécialistes pour tous ses rayons non-alimentaires.

Grande nouveauté dans la Galaxie Mulliez où, jusqu'ici, l'indépendance des enseignes de l'AFM, l'association familiale, était jalousement préservée, les Boulanger, Decathlon, Kiabi... et autres pourront donc s'installer dans les murs des hypers Auchan. Edgard Bonte a néanmoins pris le soin de préciser que les partenariats ne se limiteraient pas à celles-là. Autres exemples de ces interactions inédites au sein de l'AFM, Auchan, Boulanger, Decathlon, Kiabi, Leroy Merlin ont monté deux « partenariats de services », Melting Point, pour la mise en commun des livraisons, et Valiuz pour celle des données clients avec la capacité de « toucher 100 % des foyers français », a souligné le dirigeant.

Reconquérir des parts de marché

Enfin, ce qu'il faut « d'abord et avant tout », c'est« gagner la bataille de l'alimentaire », a insisté Edgard Bonte, retrouvant des accents à la Bompard. Quand ce dernier veut faire de Carrefour le champion de « la transition alimentaire » , Edgard Bonte entend ancrer Auchan comme « l'enseigne de l'alimentation de confiance. » Au-delà de ces formules travaillées, et d'actions engagées qui ne distinguent pas de façon évidente les uns des autres, reste pour les deux géants des hypermarchés à reconquérir les parts de marché qu'ils cèdent aux groupements d'indépendants, les Leclerc, Intermarché et Système U.

Antoine Boudet
@ABoudet